Entrevue avec Géraldine Desindes : Instructrice Mindful Eating (MECL & MB EAT)
Bonjour Géraldine, Pouvez-vous vous présentez en quelques mots ?
Je m’appelle Géraldine Desindes, je vis entre la région parisienne et la Bretagne. Je suis instructrice de Mindful Eating, ce sont des programmes de pleine conscience dédié au comportement alimentaire. Avant cela j’ai travaillé une vingtaine d’année dans l’industrie du cinéma et j’ai eu envie de changer d’activité, il y a une dizaine d’années :
La méditation était déjà dans ma vie à titre personnel avec une orientation un peu plus philosophique autour du travail de Thich Nhat Hanh par exemple. Dans ce changement d’activité, j’ai commencé à me former pour être instructrice du programme MBSR, programme de réduction du stress par la pleine conscience par le Dr Jon Kabat-Zinn : Mindfullness-Based Stress Réduction. En cours de formation j’ai découvert le travail du Dr Jan Chozen Bays, qui est médecin et maitre Zen, et je me suis dit « c’est ça que je veux faire » car pour moi le rapport à l’alimentation c’est un rapport à la vie et c’est une voie d’exploration du rapport à soi, du rapport aux autres et du rapport au monde.
J’ai commencé à me former auprès de Jan Chozen Bays et de Charles Wickins. Elles ont toutes les deux adaptés il y a quelques années le programme MBSR au comportement alimentaire à partir du livre que Jan Chozen Bays avait écrit Réapprendre à manger en pleine conscience. J’ai fait d’autres formations pour compléter mes connaissances, notamment autour de thérapies comportementales comme l’ACT par exemple puis assez rapidement j’ai fait de la formation professionnelle.
J’ai des RDV individuels, j’anime aussi ce programme collectif et je fais cette formation professionnelle pour l’ISA. Je suis très heureuse de pouvoir contribuer au développement de ces pratiques d’écoutes de chaque personne, que chacun puisse retrouver une voie plus apaisée vers l’alimentation, parce que c’est vraiment un moment extrêmement heureux, et c’est très triste lorsque cela devient une souffrance.
Vous disiez avoir travaillé dans le cinéma par le passé, comment s’est passée cette transition entre ces deux métiers?
J’adorais être monteuse et je faisais de la formation aussi en tant que monteuse. Je suis autodidacte, je n’ai pas fait d’école d’audiovisuel, j’ai appris les logiciels avec le manuel, en tâtonnant la machine et en observant, avec de la patience et un certain goût du rythme…
Le fait d’apprendre à mon rythme c’est quelque chose qui était déjà largement intégré. Sachant que je n’étais pas du tout scolaire, voir en échec scolaire pendant des années, je m’ennuyais beaucoup à l’école, ça ne me correspondait pas.
Comment avez-vous été amenée à travailler avec l’ISA ?
Je donne des formations à l’ISA, j’ai rencontré Claire (NDLR : chargé de formation en nutrition clinique) qui m’a beaucoup aidé à formaliser le cours, le contenu, elle m’a soutenu dans cet apport pédagogique.
Ce qui me plait avec l’ISA c’est que ce n’est pas un « one shot », cela ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse c’est de pouvoir faire un travail de fond, d’y revenir. On propose actuellement un niveau 2 (de la formation : Pleine conscience et alimentation), et c’est vraiment super, entre le niveau 1 et le niveau 2, l’idée est d’avoir les retours des participants, qu’ils reviennent avec des questions, des surprises, des difficultés et de pouvoir ensemble transformer ça, c’est très valorisant et ça me fait hyper plaisir.
J’ai ce sentiment de diffuser des outils de bienveillance, de prendre soin de soi et de prendre soin du thérapeute aussi (rire).
Vous vivez entre Paris et la Bretagne, en quoi le fait d’avoir un potager et de produire ses légumes est intéressant par rapport à notre vision de l’alimentation et à la pleine conscience ?
C’est un moyen d’encrage dans la matière, ce retour à la nature et de retrouver l’équilibre : la nature me fournit et je tache aussi de la respecter pour moi c’est un chemin spirituel.
C’est également ma manière de faire une activité physique, je n’aime pas aller dans des salles de sports, etc. par contre je travaille le bois, je jardine et quand je fais tout ça je fais bien attention à ma posture, la position du dos. On a besoin de transpirer, le corps à besoin de ça, c’est ce que je pense et puis quel plaisir de manger ses propres petits pois, de voir les choses pousser. Ça te donne plus de valeurs sur les choses : Quand tu vois le kilo de carottes vendu 0,56 cents tu te dis qu’il y a un problème, ce n’est pas si facile de faire des carottes !
[L’interview a dérivé sur un documentaire Arte : Les chemins du sacré sur la spiritualité]
« La spiritualité pour moi c’est le sens de la vie : comment je me mets au service de la vie, au service des autres, au services du lien que j’ai avec les autres. » Je ne parle pas de tout ça dès le début de mes formations professionnelles : Je donne plutôt des outils que les apprenants pourront mettre en application rapidement donc j’ai vraiment choisi les outils adaptés, simple et qui sont la base : l’encrage, entrainer notre mentale à revenir à l’instant présent, de voir comment il alimente avec les pensées nos émotions difficiles et donc nos sensations corporelles difficiles. Il faut avoir ce réflexe, de faire une pause, de revenir à la sensation, et d’arrêter d’avoir le cerveau qui travaille trop. Très souvent on se pourrit le « ici et maintenant » avec des ruminations du passé ou encore des pensées anxiogènes sur le futur alors que le « ici et maintenant » est parfait !
Savoir prendre le temps d’apprécier l’instant est un entrainement du mental, la méditation c’est vraiment un entrainement de l’attention.
Il y a la méditation assise quotidienne qui va justement t’entrainer à ça parce que tu es assis avec un objet d’attention, ta respiration par exemple, puis tu vas observer que ton attention s’échappe, tu es dans une série de pensée puis tu reviens puis hop ça s’en va à nouveau et tu reviens, et à chaque fois que tu reviens tu muscles ton attention, et cela va te permettre dans ton quotidien de te rendre compte quand « tu n’es plus là ».
Ex : tu es dans la queue du magasin et tu commences à t’énerver puis tu vas prendre conscience que tu es entrain de t’énerver et rien que le fait de prendre conscience qu’on est en train de s’énerver, on s’énerve moins.
L’important c’est la conscience, la conscience qui voit tout, qui va observer sans jugement ni critique qui va juste éclairer la conscience. Refaisons-nous confiance, au corps et à notre esprit.
Votre entreprise s’appelle Bien-être-à-table, comment définiriez-vous le bien-être à table ?
Il y a un jeu de mot mais je crois que personne ne le voit, pour moi c’était vraiment Être à table (vraiment présent), mais y’a que moi qui ait compris la private joke. [Rire]
Mais l’intention est là, il faut ressentir du bien-être à table, que ce soit avant en faisant ses courses ou après en profitant de l’énergie du repas.
J’ai vu également que vous faisiez des voix pour l’application Petit Bambou, pouvez-vous nous en dire plus ?
J’ai fait des voix mais j’ai aussi écrit des programmes, j’ai écrit le programme sur l’alimentation, un programme plus en lien avec tout ce qui y’a autour de l’alimentation, le fait de faire ses courses, la cuisine si elle est encombrée ou non, qu’est ce qui peut nous faire du bien dans tout ce qui y’a autour. Et un autre programme qui est plus en lien avec le stress et l’alimentation
Pourquoi l’alimentation a une place si importante dans nos vies selon vous ? (Au-delà de la survie évidemment)
Ce qui est sûr c’est que c’est 3x par jour, tu ne peux pas passer à côté, c’est aussi très en lien avec les circuits de la récompense, y’a une part très émotionnelle aussi.
Le rapport à l’alimentation est assez complexe : il est en rapport avec l’image corporelle, il peut y avoir un lien entre une consommation au-delà des besoins et le fait de prendre du poids. Dans notre société prendre du poids est quelque chose d’assez complexe.
Malheureusement les réseaux sociaux sont un véritable poison pour ça. On a vu le nombre de cas d’anorexie exploser ces dernières années avec la comparaison avec les influenceurs qui prône des trucs pas possibles, les photos Instagram etc. C’est dramatique.
Le partage d’un repas est aussi un plaisir social, certaines personnes parfois se privent de plaisir social parce que c’est un risque de trop manger…
Pour moi, c’est quelque chose d’important de retrouver du plaisir, parce que dans le mécanisme : tu as faim, c’est une sensation qui est désagréable, tu as ce creux qui t’agite et plus tu attends plus ça devient désagréable. Et si en face tu n’as pas de satisfaction, de plaisir, une sorte de détente joyeuse, tu es en déséquilibre. Tu n’es plus en homéostasie, donc quelque part tu vas continuer à chercher de la nourriture pour t’apporter ce réconfort, cet équilibre.
Après certains ont pris l’habitude d’utiliser la nourriture pour réguler leurs émotions, donc on va aussi travailler sur la régulation émotionnelle et de voir aussi « Dans ma vie, qu’est ce qui nourrit mon cœur ? Qu’est-ce que j’investis dans les activités qui me nourrissent, comment je nourris ma tête ? qu’est-ce que je regarde ? qu’est-ce que je lis ? »
C’est vraiment une voie d’exploration, tout ce qui va rentrer dans ma vie, qu’est-ce que j’accepte, quelles sont les relations aussi que j’ai avec autrui, s’il y a des relations toxiques, …
Ça peut remettre en cause beaucoup de chose enfaite, parce que le problème alimentaire n’est pas un problème d’alimentation, c’est que le symptôme.
Le mot de la fin ?
Mon souhait serait de pouvoir mettre en place le programme dans une structure spécialisée, de faire des études et mesurer l’efficacité du programme pleine conscience
Ça me permettrait de valider ce programme dans son intégralité, je sais que certaines choses ont été faites dans certains hôpitaux mais de ce que je connais cela ressemble plus à du bricolage, ils ne sont pas réellement formés à ceci.
Merci Géraldine